vendredi 28 juin 2013

Aircalin - Airbourrin



Un ventre proéminent élevé à la bière Number One sous une chemise estampillée Aircalin, couleur queue-de-vache claire, la tignasse dégarnie et grisonnante, le Chef de cabine, s'octroyant une soudaine promotion de Capitaine lors de son annonce, s'affiche, sans complexe, au milieu de l'allée comme une tête de gondole.
Et c'est parti pour 9 heures d'une promotion, non pas, d'un produit haut-de-gamme comme les courbes d'un ravissant top-model de la Japan Airlines prête à faire frissonner le catway de sa grâce et caresser nos âmes jetlagués par sa douceur bienveillante et toujours fraiche, mais plutôt d'une non-promotion d'un générique monopolistique bas-de-gamme. Inévitablement.

Aircalin, vous remercie d'avoir choisi sa compagnie! Depuis quand, a-t-on le choix?

" Il tue sa femme d'un coup de fusil" titre le journal des Nouvelles Calédoniennes distribué à l'entrée de l'Airbus A330.
Je suis sur le bon vol. Bienvenue en Nouvelle Calédonie!

A part un crash, y a pas pire et c'est tant mieux, d'une part cela contribue à nourrir mon blog et d'autre part on ne peut qu'attendre une bonne nouvelle ... à part le crash, bien sûr!

Une Vodka orange, s'il vous plaît!
Je viens d'obtenir auprès du Chef de Cabine une soudaine reconnaissance, une reconnaissance d'alcooliques. Il abandonne dans la travée son galley roulant les sempiternels jus d'orange, jus de pomme, coca et autres bières demandés lors de l'apéro et part prestement préparer en cuisine mon cocktail avec 3 glaçons et un mélangeur (la petite ombrelle en allumettes aurait fait des jaloux). Il me demande et me donne dans la foulée le vin pour le repas à suivre dans ... 45 minutes.
Ceci fut la première bonne nouvelle.

La deuxième fut la nacelle pour Martin. 10kg sur les bras, 10kg sur les genoux, à se relayer depuis Paris, ma femme et moi, faute de berceau.
Déjà à l'aller ...
"Désolé, nous n'avons plus de nacelles pour vous."
C'est une spécialité d'Aircalin, c'est même marqué sur leur site:
 "Pensez à faire ces demandes au moment de la réservation, au plus tard 24 h avant le départ. La réservation d'un berceau par internet n'est pas disponible. Veuillez contacter nos services commerciaux pour le faire le plus tôt possible avant votre départ."
Pourtant on avait mis toutes les chances de notre côté. On s'était déplacé en centre-ville, à Nouméa, avertir les fameux services commerciaux et s'entendre dire:
"Chui désolée, je peux rien faire!".
On s'était pré-enregistrer en ligne, 30h avant le vol pour être dans la file rapide à l'aéroport. On y était les premiers en effet mais au comptoir:
"Chui désolée, ya plus de nacelles, les 8 ont été réservées!"
Mais comment ont-ils fait les autres?
Il semblerait que les sièges achetés par Air France et vendus sur leur site permettent une réservation en ligne à la différence d'Aircalin. A confirmer car ici, le copinage fonctionne un peu trop bien.
La preuve, mon copain d'alcool va bien faire les choses en nous octroyant des places aptes à recevoir le berceau de notre bébé.
Merci barman! On n'y croyait plus!

Les copines, maintenant, celles qui rendent obsolète le rêve de devenir un jour une hôtesse de l'air à toutes les petites filles de l'Airbus, ma fille en premier.
Le Père Noël est sans doute une ordure mais l'hôtesse AirCalin est une championne du monde de Street Soccer en altitude, c'est certain.
Avec la douceur d'un sourire de tueuses à bas-gages, les hôtesses d'AirCalin maitrisent en effet le double kick des meilleurs joueurs de footstreet des favelas de Rio:  une grande claque dans le coffre à bagage suivi d'un vigoureux coup de pied dans l'armoire à galley.
Les coups résonnent dans le vol nocturne au-dessus d'un nid de nacelles remplis de chérubins. Martin, tout juste 1an, harassé du long vol précédent, ne bronche même pas malgré les tirs répétés des filles qui s'envoient en l'air, sûrement, le long des travées, un mal affectif.
J'imagine dans ces travées, les travelos des Amants Passagers, de Pedro Almodóvar, et je souris. L'Europe me manque déjà.

La synergie n'y est pas dans le groupe.
Des hommes blancs dirigent des femmes métissées locales dans un cadre d'insertion rigide et de transfert de compétences.
Je fais semblant de ne pas voir le téléphone de bord que l'une d'elle laisse tomber maladroitement en n'arrivant pas, à maintes reprises, à raccrocher mais je croise, hélas, son regard "Pitié ne le dites pas au Chef!".

Je retourne assoir mes neurones, craignant soudain un début d'hypoxie. J'ai la gorge sèche, une deuxième Vodka orange devrait faire l'affaire jusqu'à l'atterrissage.

Le plancher des vaches, enfin!
Retour en Terre connue mais cette fois-ci sans mes utopies enchantées d'il y a un an déjà.

Voici venu le Temps des Désillusions, le Temps où les blogs s'éteignent, le Temps de dire, sereinement, les choses sans fantasme, sans aveuglement, sans vanité.

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