dimanche 15 juillet 2012

Syndrome de Stendhal un 14 juillet

 "Malade de tant de profusion, de tant de beauté"


Mon premier 14 juillet dans l'hémisphère Sud qui tombe un week-end, dans un pays qui interdit la vente d'alcool dans les supermarchés dès le vendredi midi jusqu'au dimanche soir, un 14 juillet qui est un samedi, soit le lendemain du 13, un vendredi.

Moi qui voulait juste remplir mon frigo de quelques bières et m'enfermer avec.
Moi qui voulait passer ce premier 14 juillet, à attendre impassible, comme un indépendantiste à l'affut, que les Portes Ouvertes sur la Corvette de la Marine Nationale se referment.
Moi qui ne reprend pas l'avion comme un touriste après deux semaines de présence sur le Caillou. Moi, je sens monter, en ce vendredi 13 vers 14h16, une grosse vague de tristesse, limite déprime.

Mon esprit cherche en vain les coupables habituels identifiés et parfaitement classifiés dans mon ancienne vie septentrionale: la météo, le travail, la famille, l'argent, le chien et le mari de la voisine, les horaires de la piscine, la pelouse à tondre, un autre voisin qui tond, Noël et la Saint Valentin ...

Tout n'est que luxe et volupté autour de ma dépression naissante, un ciel bleu sous le soleil éclatant de Satan, des flyingsurfeurs dessinant leurs arabesques splendides dans des baies gonflées d'alizés, de jeunes gens légers et insolents au volant de cabriolets enrobés d'un gaz musical bruyant et mouvant, pas de contraintes professionnelles, ni d'impératifs familiaux, un compte en banque dans une forme olympique, ma pelouse et celle des voisins à 20 000km, juste un 14 juillet à gérer.

Pourtant je le sens, c'est dans mes tripes, une envie irrépressible de m'enfermer, ne plus voir toute cette beauté qui m'entoure, comme une saturation.
Tout est parfait, rien à redire depuis deux semaines: la nourriture, la température douce et régulière (18°C le matin, 26°C à midi), la brise constante qui empêche la moiteur sur la peau, la lumière, les paysages grandioses, les gens calmes et sereins.

Ce vendredi, je viens de migrer. J'ai quitté la maison de Cécile et Jean-Marie, située dans la "montagne" en dehors de Nouméa, au-dessus de Dumbéa-Rivière. C'est eux qui m'ont si gentiment accueilli et hébergé depuis mon arrivée, le 1er juillet, le temps que je prenne mes repères.

Mon repère aujourd'hui est un lieu de vacances, un hôtel-appart pour touristes fortunés, le Stanley. Mon appartement donne directement sur une plage privée. J'entends le ressac du Pacifique à 50 mètres à travers les persiennes du studio. Même ça je ne le supporte plus, je mets des boules Quies et m'allonge dans le noir.
Il est 15h. Il fera nuit dans moins de trois heures, je sortirai alors, peut-être, pour manger.
19h, je n'ai toujours pas faim. Par trois fois mes tripes ont visité les toilettes du Stanley.

Stendhal parle d'hallucinations, de vertiges, de palpitations, mais jamais de diarrhées.
Et si c'était juste la sauce cacahuète du plat indien de ce midi?
Impossible!
Une tourista à Djerba, à Marrakech mais pas à Nouméa la Blanche!
Et les pizzas à Florence en période d'affluence touristique, elles sont fiables?

J'imagine Stendhal se goinfrant de glaces à l'italienne après avoir englouti une Regina, une Napolitaine et une Calzone puis sublimer dans les salons parisiens ses problèmes gastriques en une névrose noble et artistique.
J'hallucine, je palpite!
Stendhal, d'un coup, d'un seul, donne sens à mon Spleen.

Soulagé, je libère une dernière fusée en clôture de mon 14 juillet d'interné.

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